que vive le court

l’équipe du PIAFF

Au moment de lancer cette nouvelle édition du PIAFF, ce sont toujours le besoin et l’envie de mettre en lumière le court métrage d’animation qui nous inspirent. Parce que le format court permet de développer un langage cinématographique spécifique et offre une liberté qui ne se retrouve que trop rarement dans le long métrage, permettant à des autrices et auteurs extrêmement éclectiques et singuliers de s’y épanouir loin des carcans de la narration traditionnelle. Cette audace dans le ton, l’écriture, le rythme et les choix formels nous semble primordiale à préserver, encourager et faire connaître, pour rappeler que le cinéma, dans sa globalité, peut suivre bien des voies.

Soirée spéciale avec Vergine Keaton

Dans cet esprit, c’est donc une évidence pour nous de consacrer une soirée spéciale à la réalisatrice Vergine Keaton qui est, sinon le fer de lance, du moins l’une des grandes représentantes de cette animation en perpétuelle recherche et mutation que nous affectionnons tant. Lors de cette séance événement, nous aurons l’occasion de revoir ses courts métrages (Je criais contre la vie ou pour elle, Le Tigre de Tanzanie…), de découvrir les premières images inédites de son long métrage en préparation (Bataille) et de poursuivre par une discussion croisée en compagnie de la compositrice-productrice-interprète Vale Poher, avec laquelle elle a eu l’occasion de collaborer.

Les sélections

Comme tous les ans, la majeure partie de notre programmation s’articule autour de sections compétitives (courts professionnels, films d’écoles, sélection expérimentale, horizons, musique, jeune public) réunissant des films récents venus du monde entier et permettant de mettre en lumière l’extrême diversité du cinéma d’animation contemporain.

Dans la compétition “Courts professionnels”, on retrouvera ainsi des films multi-primés comme 27 de Flora Ana Buda (palme d’or 2023), Portrait de famille de Léa Vidakovic, La Saison Pourpre de Clémence Bouchereau (lauréat du Prix André Martin 2023) ainsi que des oeuvres de cinéastes dont nous suivons le parcours, à l’image de Sasha Svirsky, présent avec son dernier film Le Maître des marécages dans lequel il s’attaque à un tyran russe pour mieux parler de celui en place actuellement, ou encore de Rachel Gutgarts qui présente son premier film depuis sa sortie de l’école, Via Dolorosa, un regard personnel et brûlant sur la jeunesse israélienne.

Du drame intimiste (Orage – Benoît Michelet, Ce qui bouge est vivant – Noémie Marsily, Herbe verte – Élise Augarten) à la comédie loufoque (Nun or never – Heta Jäälinoja, Aaaah d’Osman Cerfon ), du cinéma d’horreur (Le Cactus (O cacto) – Ricardo Kump) aux films qui interrogent le monde actuel (la réalité des femmes en Iran
(Femme ( نژ) – Gilnaz Arzpeyma, Arash Akhgari ; Notre uniforme – Yegane Moghaddam), la guerre en Ukraine (Marioupol, cent nuits – Sofiia Melnyk), le retour en arrière sur le droit à l’avortement (Hemorragie – Ruth Hayes)… ce sont tous les genres qui s’invitent cette année encore au PIAFF.

Toujours plus de place pour le cinéma expérimental avec 2 séances de compétition

Depuis l’année dernière, le PIAFF cherche à donner plus de place au cinéma expérimental, sans pour autant l’enfermer dans un ghetto. Il sera donc présent au fil des différentes sections, et notamment en compétition courts professionnels avec Notre douleur (Shunsaku Hayashi) et Que nos corps traversent (Geneviève Bélanger Genest), mais également dans une compétition dédiée qui s’offre cette année une deuxième séance. Un voyage aux confins de l’animation expérimentale mondiale, avec des œuvres signées Max Hattler, Ana Vasof, Thorsten Fleisch, Siegfried A. fruhauf, Vera Sebert ou encore Olivier Fouchard.

Mais aussi plus de films pour la jeunesse

Nous sommes heureux de proposer également une séance supplémentaire à destination des jeunes spectateurs, tant le jeune public nous semble plus que jamais primordial à accompagner dans ses premiers pas cinéphiles.

Nous avons l’immense joie de présenter en avant-première sur grand écran (avant sa sortie dans les salles à la fin de l’année) Marcel le père Noël (et le petit livreur de pizzas) de Julie Rembauville et Nicolas Bianco-Levrin, un moyen métrage plein d’humour et de poésie, bien ancré dans son époque, et porté par la voix de Reda Kateb et la formidable bande-son de Merlot et Cedryck Santens.

Les cinéastes qui s’adressent à la jeunesse ont conscience qu’elle n’évolue pas hors du monde, et nous sommes heureux d’avoir découvert tant de films qui prennent les enfants et adolescents au sérieux en leur parlant de sujets forts et actuels, à l’image de Va-t’en, Alfred ! (Célia Tisserant, Arnaud Demuynck) qui aborde la difficulté du déracinement, Harvey de Janice Nadeau (sur la mort d’un proche), Mon nom est Edgar et j’ai une vache de Filip Diviak (sur nos habitudes alimentaires) ou encore Tufo de Victoria Musci, qui traite de la Mafia. Bien entendu, la fantaisie et la poésie ont elles aussi toute leur place avec des films comme Ana Morphose – Joao Rodrigues, Bouquet – Cécile Robineau ou Carotte – film d’atelier réalisé par 12 enfants.

La riche compétition Études et la passionnante compétition Horizons

La vitalité des films étudiants se confirme une fois encore, avec énormément de nouveaux talents qu’il faudra suivre dans les années à venir, comme Lili Tóth et l’impressionnant Pipas, Róisín Sinai Kelly et l’inquiétant 2 % Baby ou encore Arthur Jamain avec le très touchant et intimiste Tabac froid.

La Hongrie et la Pologne continuent également de nous offrir des réalisatrices talentueuses qui marchent dans les pas de Marta Pajek, Reka Bucsi ou Flora Ana Buda. De l’incroyable vision de De tels miracles arrivent (Takie cuda się zdarzają ) – Barbara Rupik à l’esthétique naïve et barrée de La Malédiction de la rose noire (The Curse of the black rose) – Lili Bárány, en passant par la balade apocalyptique tout en douceur de L’Odeur du sol (Smell of the ground) – Olivia Rose. Citons encore la vitalité du documentaire animé et du cinéma expérimental, et quelques belles surprises venues des Etats-Unis, tels que Mary: à travers la vitre (Mary: Through glass) – Wyatt Cooper Carson ou Cow-girl – Flor Marmolejo.

Du côté de la Compétition Horizons, nous sommes ravi.es de montrer en avant-première international le nouveau film de la jeune réalisatrice ukrainienne Anna Dudko : Mokosh. De continuer à suivre le développement du cinéma d’animation en Inde avec notamment Chautti chautti – Nicole Elsa Daniel. Faire un tour du côté de Madagascar avec le satirique « La très (im)possible reconstruction » de Sitraka Randriamahaly et du cinéma expérimental tunisien avec A toi de Wafa Lazhari.

L’importance de la musique au PIAFF

Pour ne pas avoir le cœur trop lourd de voir se refermer cette édition, nous avons décidé de clôturer le festival avec l’une de nos plus emblématiques séances, la compétition Musiques dédiée aux clips et autres films musicaux.

Après avoir écouté la sublime voix de Blixa Bargeld, le chanteur du groupe Einstürzende Neubauten, dans le film Morning shadows de Rita Cruchinho Neves qui est présenté dans la compétition courts professionnels, les spectateurs pourront ainsi se plonger dans une multitude de styles et de genres musicaux, et transformer la salle du Studio des Ursulines en dancefloor éphémère.

On retrouvera dans cette compétition des cinéastes qui ont déjà été en compétition au PIAFF comme Agnès Patron qui réalise Météores avec Morgane Le Péchon, sur une musique de Pierre Oberkampf, Honami Yano, la réalisatrice de A Bite of Bone, qui nous revient avec un clip assez Jpop Harajyuku Boy ou encore Margot Reumont qui co-réalise avec Claudia Cortès Espejo Cut Short Crisply.

Ce voyage musical nous emmènera de la Corée du sud au Brésil en passant par la France, l’Italie et l’Allemagne… une belle façon de terminer en dansant cette édition 2024 du PIAFF!

prix Giannalberto Bendazzi: Mohammed Beyoud

Le comité du Prix Giannalberto Bendazzi, constitué des 4 membres de l’équipe du PIAFF, des deux premiers lauréat.es du prix: Marco de Blois et Nancy Denney-Phelps , ainsi que de la réalisatrice Florentine Grelier, a décidé de remettre son prix cette année à une personnalité qui non seulement a mis en avant l’art de l’animation mais a permis, grâce à son travail, une nouvelle émergence du cinéma d’animation dans son pays.

On sait l’importance constante des festivals pour mettre en lumière le cinéma en général et l’animation en particulier. C’est grâce à eux que de nouveaux cinéastes talentueux sont découverts chaque année, que des films d’auteur exigeants et souvent indépendants trouvent leur public, et que de nouvelles générations de spectateurs aiguisent leur regard et leur esprit critique.

Nous avons choisi de rendre hommage à un homme qui croit profondément en l’importance de cette transmission et qui, depuis 23 ans, œuvre pour faire rayonner le cinéma d’animation mondial auprès d’un large public, s’attachant aussi bien à proposer les films contemporains les plus emblématiques qu’un cinéma plus ancien ou plus confidentiel. Pensant l’animation comme un art sans frontières, et donc destiné à tous, Mohamed Beyoud a fait du FICAM, le Festival International du Cinéma d’Animation de Meknès dont il est le directeur artistique depuis 23 ans, l’un des grands rendez-vous mondiaux de l’animation.

Avec l’incroyable soutien de la Fondation Aïcha et de l’Institut français de Meknès, le Festival propose une programmation qui mélange les contenus et refuse les distinctions entre les styles ou les genres, mettant à égalité toutes les formes d’animation. Pour le centenaire de la naissance de l’immense réalisateur Norman McLaren, les enfants de Meknès ont par exemple pu voir avant chaque long métrage un court métrage de celui qui demeure l’un des grands maîtres de l’abstraction et de l’expérimentation. Les festivaliers ont également pu croiser, au fil des éditions, Isao Takahata, Paul Driessen, Vincent Patar et Stéphane Aubier, Florence Miailhe, Peter Lord et tant d’autres grands noms de l’image par image.

Le FICAM, c’est aussi l’ouverture sur un continent. Dès les premières éditions, le festival a accueilli des personnalités de l’animation du continent africain tels que Mustapha Alassane ou Jean-Michel Kibushi. La réalisatrice Sofia El Khyari y a présenté plusieurs courts métrages et une exposition. Et ainsi de suite, d’année en année, s’est renforcée la volonté de ne pas seulement montrer des films, mais de faire naître des vocations, d’encourager des carrières et d’accompagner des projets. Un désir qui s’est concrétisé avec la création de la résidence francophone du festival, permettant de mettre en lumière toute une nouvelle génération de cinéastes.

C’est ce travail qui a permis d’assister aujourd’hui à un véritable renouveau de l’animation au Maroc, à la fois à travers l’émergence de cinéastes indépendant.es et d’une industrie représentée aujourd’hui par plusieurs studios et des productions locales de séries destinées aux chaînes de télévisions nationales. Mohamed Beyoud est bien évidemment partie prenante de ces mutations en participant à de nombreuses conférences et comités, et à une réflexion globale sur les manières de mieux produire et promouvoir le cinéma d’animation, mais aussi en œuvrant de manière très concrète pour le cinéma de manière générale, comme il l’a fait en se battant avec ténacité pour redonner vie à la magnifique salle de cinéma Caméra à Meknès.

Rares sont les gens qui par leur travail ont autant contribué au développement du cinéma d’animation à l’échelle d’un pays – et d’un continent. C’est donc avec un immense plaisir que le comité attribue le Prix Giannalberto Bendazzi 2024 à Mohammed Beyoud.

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